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14 février 2010

Science et comportement humain

Science et comportement humain.
B.F Skinner.

Préface de Marc Richelle, Introduction de Alexandre Dorna, Traduit de l'anglais par André et Rose-Marie Gonthier-Werren.

Science et comportement humain est l’ouvrage de référence de la théorie comportementaliste. C’est un livre très souvent cité dans le milieu des chercheurs et des enseignants mais en fait très peu connu. Publié aux États-Unis en 1953, il a fallu attendre 2005 pour qu’il devienne enfin accessible au public français.
Dans cet ouvrage, l’auteur donne des clés pour étudier l’influence de l’environnement, du groupe, des rôles sociaux, mais aussi des émotions dans le comportement humain et dans la prise de décision. Une théorie qui n’hésite pas à aborder des domaines comme l’éducation, la religion, la culture ou le fonctionnement des sciences de façon libre.

À l’heure où les polémiques se sont apaisées, il paraissait nécessaire de publier ce livre, pour comprendre les apports de l’expérimentation, notamment animale, dans le champs psychologique et analyser objectivement l’apport skinnérien dans les théories psychologiques actuelles.

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M
Science et comportement humain est un livre qui pose les bases d’une science du comportement. <br /> Il permet d’observer avec une toute autre vision le comportement humain. Skinner relève les oppositions entre la science et la pensée traditionnelle, et à la lecture du livre c’est ce même dualisme que l’on éprouve. On est d’une part, curieux et satisfait de lire une telle analyse fonctionnelle de nos comportements, et on est d’autre part encore attaché à ces idées véhiculées par notre culture. La vision dualiste de l’homme est infirmée tout au long du livre, et pourtant, l’individu a souvent recourt à celle-ci, ne serait ce que dans un but d’apaisement. En effet, l’homme cherche à comprendre le sens de ses actes, il a besoin de pouvoir comprendre les processus mis en œuvre. Et c’est aussi cette question même du contrôle qui est en jeu, puisque l’individu est rassuré à l’idée de se contrôler, de pouvoir contrôler le monde qui l’entoure. La cause interne permet à la fois l’assurance d’une pleine responsabilité, et la compréhension d’un système de causalité dont notre comportement est fonction. Il s’agit d’un même principe que celui exercé par exemple par la religion, croire en un objet inobservable, mais qui garantie une explication positive. (Ou pour autre exemple : avec la psychanalyse). C’est sur ce point que la science semble connaitre des réticences, car adhérer à cette science du comportement sous entend que l’homme doit également modifier la vision qu’il a de lui-même. L’homme doit s’accepter dans une continuité de matière, et refuser le statut privilégié d’être puissant, responsable et libre qu’il s’est créée. <br /> <br /> Au-delà de la science, ce qui est intéressant dans la présentation de Skinner, c’est la prise en compte des différents points de vue. Qu’il s’agisse de Science et comportement humain, ou de Walden 2, il y a une confrontation permanente entre la science et les pensées communes. Bien qu’il s’agisse d’une façon d’infirmer les idées traditionnelles, le lecteur y trouve un grand intérêt puisqu’il reconnait au cours de sa lecture ses propres interrogations et réticences. <br /> Par exemple, lorsque Skinner évoque l’environnement social, l’influence du groupe et de la culture, le lecteur se resitue dans cet environnement qui est le sien, et apprend à poser un regard différent sur les processus exercés. Lorsque l’on évoque la liberté de l’homme, qui n’est en réalité qu’un leurre puisque cette liberté n’est en fait que le retrait de stimulus aversifs, on prend conscience que nos valeurs peuvent également nous aveugler. Valeurs que l’on ne pourrait remettre en cause de façon spontanée, puisque la liberté par exemple constitue l’un de nos « biens » les plus précieux. <br /> <br /> Dans cette même optique, de l’homme considéré comme le paradoxe d’un être dualiste, il peut être difficile d’aborder le domaine des émotions d’un point de vue scientifique. S’il est une chose que l’on estime comme moteur de nos comportements, c’est bien elle. Prenons un exemple : lorsque l’on se sent triste : on pleure. L’individu sait que la raison de ses pleurs n’est pas la tristesse mais l’événement qui a causé la tristesse, et pourtant si on lui demande pourquoi il pleure : il répondra qu’il se sent triste. Ou encore, on reçoit un coup, on a mal et on pleure. La encore, la chaine de causalité telle que la science nous la décrit est belle et bien la même : un événement extérieur, une émotion, un comportement. Pourtant, l’individu attribue à ses émotions un statut extrêmement privilégié, car il voit en l’émotion le siège de ce qu’il est. Ainsi, lorsque Skinner explique que l’émotion est un membre médian qui n’est pas nécessaire à l’analyse fonctionnelle, car le membre 3 (comportement) peut être déduit à partir du seul membre 1 (événement externe), l’individu peut interpréter cela comme un manque de prise en compte de son siège émotionnel. Et c’est d’ailleurs l’une des critiques souvent adressée à la science du comportement, qui résulte donc d’avantage d’une incompréhension, mais dont on peut comprendre le raisonnement. C’est d’ailleurs bel et bien ce qui effraie l’individu, que d’être réduit au simple animal qui subit, plutôt que d’incarner l’être oh combien supérieur qui règne et contrôle. <br /> Dans le domaine de la psychologie, la psychanalyse entretient également cette vision opposée à la science. Elle attribue au comportement des causes internes, et perçoit l’homme comme capable de contrôler son environnement. Elle applique de mêmes techniques de contrôle que celles des agences dont Skinner fait un inventaire. Elle attribue à l’homme un monde physique d’une part, et psychique d’autre part. Elle évoque en somme, le paradoxe d’une science du comportement, avec au départ pourtant une même volonté d’appliquer une analyse fonctionnelle du comportement. <br /> <br /> C’est aussi le fantasme qui occupe une part importante dans la vision du monde. L’individu, pour les mêmes raisons, a tendance à croire en des choses inobservables car il les souhaite. Elles peuvent donc soit fournir un apaisement, comme c’est le cas par exemple pour le religieux qui va croire que la vie se poursuit au-delà du monde physique. Mais elles fournissent également la possibilité de déléguer notre responsabilité sur quelque chose d’extérieur à soi, comme lorsque l’on croit en un destin qui expliquerait toutes nos décisions. Et c’est ici que l’incompréhension émerge. Car si l’homme use également des causes externes, il est pourtant souvent incapable de reconnaitre leur pleine responsabilité. Il attribue en fait les causes négatives à ce monde externe, comme pour se soulager de sa responsabilité, mais attribue au contraire souvent à lui-même les causalités positives. Ceci est d’ailleurs étudié en psychologie sociale, et l’on constate évidemment beaucoup de différences interindividuelles dans ce domaine. Mais de manière générale pourtant, l’homme applique quelque part ce principe scientifique d’analyse fonctionnelle externe à l’organisme. <br /> <br /> On s’interroge donc de plusieurs façons après la lecture de Science et comportement humain. On se demande notamment pourquoi une telle analyse du comportement est restée dans l’ombre, et l’on comprend que d’autres domaines de la psychologie y ont joué un rôle fondamentale. Celles comme la psychanalyse, liées aux techniques employées par toutes les agences de contrôle, et qui entretiennent les valeurs et pensées traditionnelles de l’être humain. Mais aussi peut être, cette « invasion » de la science, qui comme le rappelle Skinner a aussi effrayé, par ses conséquences passées qui s’éloignaient parfois des intentions même de cette science. Mais on s’interroge également sur notre propre conception du monde et de l’homme, en se demandant ce qui, de notre culture, de notre éducation, est resté ancré en nous au point de nous rendre parfois réticent à une telle lecture. Sur les motivations qui nous poussent à refuser l’abandon d’une optique dualiste. <br /> Il est pourtant vrai, qu’à la suite de cette lecture, on peut aussi comprendre que le chemin illusoire n’aboutira pas à une évolution bénéfique, ou du moins, que ce bénéfice ne continuera d’exister que pour certains. Skinner nous offre la lecture d’une science du comportement qui peut nous paraitre utopique, mais parfois il semblerait que l’utopie puisse également devenir réalité …
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